Une des principales questions actuellement débattues est celle-ci :
« Est-il possible de mener une vie sans péché dans une chair
pécheresse? » Vivre sans péché dans une chair pécheresse est non
seulement possible, mais doit être le but de tout croyant.
Dans
Romains 7:14-24,
Paul démontre que la pierre d'achoppement [l'obstacle majeur] à une
vie sans péché dans l'expérience du croyant est précisément la «loi du
péché» présente dans la chair de la nature pécheresse déchue. Selon
l'Écriture, le péché d'Adam a non seulement provoqué la condamnation
de toute l'humanité, mais il a aussi corrompu la nature humaine (
Rm 5:19
), plaçant toute l'humanité sous la domination de la loi du péché (
Jn 8:32-34;
Rm 3: 9;
7:14
). Si Christ n'a pas eu à combattre cette «loi du péché» dans Sa
chair, il nous faut alors conclure qu'Il n'a pas totalement racheté
l'humanité du péché. Il en résulte qu'on ne peut alors Le présenter
comme Celui qui nous libère de notre état de péché, non plus comme un
exemple pour les croyants. En conséquence, vivre sans péché dans une
chair pécheresse devient une impossibilité de ce côté-ci de
l'éternité.
Pourtant l'Écriture déclare que nous pouvons vaincre comme Christ a
vaincu (
Ap 3:21
) et elle avertit ainsi les croyants : « Que le péché ne règne donc
point dans votre corps mortel et n'obéissez pas à ses désirs » (
Rm 6:12
). De même, Pierre affirme que ceux qui s'arment de la pensée de
Christ cesseront de pécher (
1 P 4:1
). Paul disait aussi aux chrétiens de Galatie qu'en marchant selon
l'Esprit, ils n'accompliraient pas les désirs de leur nature
pécheresse (
Ga 5:6; voir aussi
Rm 13:14 ).
Tout ceci devient clair lorsque nous comprenons que dans la sainte
histoire de Christ, l'humanité a été libérée de la loi du péché et de
la mort (
Rm 8:2
). Ayant assumé notre humanité pécheresse avec toute la force du péché
habitant dans sa nature, Christ a remporté la victoire et condamné «la
loi du péché» par «la loi de l'Esprit de vie»; Il est ainsi devenu
pour toujours le Rédempteur du monde et le parfait Exemple des
croyants.
Cependant le thème de « Christ notre Exemple » ne doit pas être
confondu avec la « théorie de l'exemple » et son rôle dans l'expiation
qu'enseignent certains théologiens. Selon cette théorie, le salut
s'obtiendrait en suivant ou en imitant l'exemple de la vie sainte de
Christ. Un tel enseignement ferait de la sanctification le moyen
d'obtenir la justification et deviendrait alors une forme de légalisme
que nous devons totalement rejeter. La vérité de l'évangile, c'est que
l'homme n'est justifié que par la foi dans le Christ historique. Rien
d'autre ne doit lui être ajouté, pas même notre obéissance à la loi (
Ga 5:4 ).
Dans le Nouveau Testament, la sanctification, comme la glorification,
cherche à reproduire dans l'expérience du croyant justifié par la foi
ce qui est déjà vrai en Christ. Le seul espoir de l'homme, présentement
et au jugement, provient de la justification par la foi dans la vie
d'obéissance et la mort de Christ. Mais la justification ou justice
imputée, aussi merveilleuse qu'elle puisse être, ne met pas un point
final au plan du salut conçu par Dieu. Car ceux qu'Il justifie, Il
leur accorde également la sanctification comme fruit et preuve de la
justification et Il les glorifie, réalité ultime de cette
justification (
Rm 8:28-30
). Lorsque toutes ces choses auront été consommées et que la terre
aura été purifiée, la justice éternelle sera alors pleinement
instaurée comme une réalité tangible, et Christ aura terminé Son
ministère dans le sanctuaire céleste. Il aura ainsi réalisé tout ce
qu'Il a accompli pour notre humanité qu'Il a assumée et rachetée, il y
a de cela deux mille ans.
Nous ne trouvons nulle part dans les Écritures que la sanctification
du croyant consiste en bonnes oeuvres produites par ses propres
efforts avec l'aide du Saint-Esprit. Jésus n'envoie pas Son Esprit
«demeurer» dans le croyant afin de l'aider à être bon, mais pour lui
communiquer Sa justice. Même si la foi est un combat (qu'on peut
décrire comme notre part dans cette oeuvre de coopération) et qu'elle
nécessite par conséquent un effort constant en raison de l'état
pécheur et égoïste de la chair, la vraie sanctification demeure tout
de même l'oeuvre de l'Esprit, démontrant la puissance salvatrice de
l'évangile dans la vie du croyant justifié qui marche selon
l'Esprit.
« Tel est le divin secret de la sanctification chrétienne » dit Evan
H. Hopkins « qui la distingue nettement d'une simple morale naturelle
qui enseigne à l'homme : 'Deviens ce que tu voudrais être' alors que
la vraie sanctification dit au croyant : 'Deviens ce que tu es déjà en
Christ.' Elle introduit un fait positif à la base de l'effort moral
vers lequel le croyant peut se tourner et puiser à chaque moment.
C'est la raison pour laquelle son oeuvre ne se perdra pas en
aspirations stériles pour finalement se terminer dans le désespoir.»
(The Law of Liberty in the Spiritual Life, p. 15).
Lorsque la morale chrétienne est définie en termes de bonnes oeuvres
réalisées par le croyant et même motivées par un amour humain pour
Christ, elle cesse de témoigner de l'efficacité de la justification
par la foi et ne fait que démontrer la capacité de l'homme de produire
sa propre justice, qui n'est qu'un « vêtement souillé »
(par l'égoïsme
Es 64:6 ).
Ce dont le monde a désespérément besoin, ce n'est pas de voir la bonté
de l'homme, mais de voir Christ manifesté dans « Son corps »,
l'Église. L'Église doit être la lumière du monde (
Mt 5:14-16
dans ce texte, le mot « lumière » est au singulier et se rapporte à
Christ et à Sa justice,
Jn 1:4
). Il n'y aura alors plus aucune raison de laisser le péché se
perpétuer et Dieu y mettra fin. C'est là le véritable sens de la
purification du sanctuaire.
De nouveau, la vie sainte et sans péché ne doit pas être confondue
avec l'état d'une nature immaculée ou la perfection absolue, hérésie
autrefois défendue par le mouvement de la « chair sanctifiée » et qui
empoisonna l'Église. La perfection de la nature humaine ne deviendra
réalité qu'au moment du retour de Jésus, « lorsque ce corps
corruptible aura revêtu l'incorruptibilité » (
1 Co 15:54
). Vivre sans péché consiste à reproduire le caractère de Christ, Sa
vie sainte, dans une chair pécheresse. Ce processus ne modifie en rien
la nature héréditaire du croyant qui restera fondamentalement
pécheresse jusqu'à la mort ou jusqu'au retour de Jésus. C'est pour
cette raison que nous ne pourrons jamais vivre sans Sauveur de ce
côté-ci de l'éternité.
Puisque la sainteté manifestée dans la vie du croyant constitue
l'oeuvre de Dieu produite dans une chair pécheresse, l'Écriture
l'appelle «le mystère de la piété : Dieu manifesté dans la chair» (
1 Tm 3:16
). Ce mystère a été réalisé dans l'humanité de Christ et il devient
par la foi en Lui l'espérance et le but du croyant justifié : « Christ
en vous, l'espérance de la gloire » (
Col 1:27
). « Car tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde (la convoitise
de la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie, selon
1 Jn 2:16
), et la victoire qui triomphe du monde, c'est notre foi » (
1 Jn 5:4 ).
Pour que Christ puisse véritablement constituer l'exemple du croyant
et le garant qu'il peut mener une vie sainte, il Lui a fallu lutter
avec la loi ou le principe du péché (c'est-à-dire l'amour de soi),
dans la chair pécheresse et en triompher. Et c'est précisément ce
qu'enseignent les Écritures. Après avoir démontré son incapacité
totale de triompher du péché en lui-même et par lui-même, Paul conclut
son combat contre le péché qui habite en lui par ce cri de désespoir :
« Misérable que je suis! Qui me délivrera du corps de cette mort? » (
Rm 7:14-24
). Ce cri est immédiatement suivi au verset 25 d'un cri de victoire :
« Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ, notre Seigneur! »
L'apôtre poursuit en démontrant que dans l'humanité de Christ ainsi
rendue semblable à notre humanité pécheresse, « la loi du péché et de
la mort » a été totalement conquise et condamnée (
Rm 8:2-3 ).
Il est important de noter que notre délivrance de « la loi du péché et
de la mort » est exprimée dans le verset 2 au passé historique du
verbe (en grec, l'aoriste). C'est-à-dire que le problème de « la loi
du péché et de la mort » qui, dans
Romains 7,
formait la pierre d'achoppement à une vie sainte, a réellement et déjà
été réglé dans l'humanité de Christ par « la loi de l'Esprit de vie »
et que, par conséquent, « il n'y a donc maintenant aucune condamnation
pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (
Rm 8:1
); ceci nous permet d'espérer que les justes exigences de la loi
puissent être accomplies dans le croyant qui marche selon l'Esprit,
comme Jésus a marché Lui-même (
Rm 8:4; voir aussi
13:14 et
Ga 5:16 ).
Nous devons cependant comprendre ici que lorsque le Nouveau Testament
parle de sainteté de vie, il le fait à deux niveaux : l'aspect mental
et l'aspect pratique. Christ a dans Son humanité mené une vie sans
péché sur ces deux plans et Il a ainsi démontré que l'homme déchu est
capable de triompher du péché par la puissance divine, en soumettant
totalement sa volonté à Dieu comme Il l'a fait Lui-même (
Jn 6:57;
8:28;
14:10
). Cependant, vivre sans péché dans une chair pécheresse n'est
possible que si nous avons « la pensée de Christ. » Nous sommes
souvent préoccupés par la sainteté pratique; mais celle-ci n'est
réalisable qu'en ayant d'abord renoncé au péché mentalement (par la
repentance un revirement complet de l'esprit), par une foi obéissant
au principe de la croix (
Lc 9:23;
Rm 6:17-18 ).
Selon l'Écriture, tout chrétien né de nouveau qui a réellement compris
et cru [apprécié] l'évangile, rejettera sincèrement la tentation dans
son for intérieur (son esprit converti) au moment même de sa conversion.
Car la foi néo-testamentaire signifie plus qu'un assentiment mental à
l'évangile; elle inclut aussi une obéissance sincère à la vérité telle
qu'elle est en Jésus (cf.
Rm 1:5;
6:17;
10:16;
Ga 5:7;
2 Th 1:7-8;
He 5:9
). Voilà le raisonnement global de Paul présenté dans
Romains 6.
Dans la première moitié du chapitre, Paul s'efforce de montrer que
tout croyant baptisé en Christ doit se considérer comme « mort au
péché et vivant pour Dieu » (v. 11).
Le professeur Frédéric Godet apporte le commentaire suivant : « Le
croyant ne se dégage pas graduellement du péché, il rompt avec lui, en
Christ, une fois pour toutes. Par un acte décisif de sa volonté, il
est placé dans une sphère de parfaite sainteté et c'est à l'intérieur
de celle-ci qu'un renouvellement progressif de sa vie personnelle
s'effectue. »
Dans la seconde moitié de
Romains 6,
Paul poursuit son raisonnement en montrant que pécher doit devenir
incompatible avec l'esprit du croyant converti mais sous un angle
différent; c'est-à-dire que le croyant a été libéré du péché en Christ
et qu'à la suite d'un choix personnel et sincère, il est devenu
esclave de Dieu, l'Auteur de la justice (v. 17-18). Ainsi « mort au
péché » et devenu « esclave de Dieu », l'individu vraiment converti
n'entretiendra plus aucun désir de pécher. La délivrance du pouvoir et
de la domination du péché constitue le privilège immédiat de quiconque
s'en empare par la foi, puisqu'elle fait partie intégrante de la bonne
nouvelle de l'évangile de Christ.
Ceci ne veut pas dire que les chrétiens auront nécessairement commencé
à vivre sans péché en pratique dès leur conversion. Au contraire, nous
aurons à nous prosterner souvent au pied de la croix à cause de nos
manquements. Nous ne perdons pas notre justification chaque fois que
nous tombons et Jésus ne nous abandonne pas non plus. Nous devons
cependant croître en Lui jour après jour et remporter des victoires (
Ep 4:17-24;
Rm 12:1-2
). De plus, comme leur nature pécheresse ne sera pas transformée avant
Sa seconde venue, les chrétiens ne doivent jamais avoir l'impression
qu'ils ont atteint la perfection (
Ph 3:12-15
). D'un autre côté, même si les croyants sont en lutte constante avec
le péché qui habite en eux, ils ne doivent jamais l'excuser (voir
Rm 6:2, 15
), car ce serait là renier leur obéissance de foi à l'évangile.
Est-il alors impossible, en pratique, de vivre sans péché dans une
chair pécheresse comme le soutiennent certains? La réponse de
l'Écriture est un non catégorique! Mais vivre sans péché sur le plan
pratique ne devient possible que lorsqu'une vie sans péché s'est
d'abord établie au niveau mental, lorsque le croyant a pris sur lui le
joug de Christ selon le conseil de Paul : « Ayez en vous les
sentiments qui étaient en Jésus-Christ » (
Ph 2:5
). La véritable justification par la foi signifie que nous nous sommes
pleinement identifiés avec la sainte histoire de Christ Sa vie
parfaite et Sa mort au péché. Lorsque le peuple de Dieu l'aura réalisé
et y aura cru, la voie sera alors libre pour que l'Esprit de Dieu
prenne les choses en main et démontre au monde la puissance de
l'évangile. La cause fondamentale de toute incapacité de vivre selon
l'idéal divin se trouve dans l'incrédulité.
La véritable foi du Nouveau Testament prend Dieu au mot, même si cela
va à l'encontre du raisonnement humain, de la méthode scientifique, et
même de l'expérience pratique. Abraham crut en Dieu, espérant contre
toute espérance, et il est devenu le père et le prototype de tous les
vrais croyants (lire
Rm 4:16-18 ).
Ce que Paul ne pouvait accomplir par sa propre force et ses propres
efforts en
Romains 7
devient possible par la foi dans
Romains 8,
par la puissance de l'Esprit habitant en lui. « Si l'Esprit de celui
qui a ressuscité Jésus d'entre les morts habite en vous, celui qui a
ressuscité Christ d'entre les morts rendra aussi la vie à vos corps
mortels par son Esprit qui habite en vous» (
Rm 8:11
). « Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous
qui, le visage découvert, contemplons la gloire du Seigneur, sommes
transformés à sa ressemblance, progressant d'un degré de gloire à un
autre; car cela vient du Seigneur, qui est l'Esprit. » (
2 Co 3:17-18, RSV).
En ces derniers jours, le Saint-Esprit s'affaire à préparer un peuple
fidèle et de bonne volonté qui deviendra mature, par la grâce de
Christ, jusqu'au point de pouvoir vaincre totalement « comme » Il a
vaincu. Lorsque ces choses arriveront, la terre sera alors éclairée de
Sa gloire (
Ap 18:1 ).
Nous avons, dans
Éphésiens 2:8-9,
un énoncé clair de l'évangile : Nous sommes sauvés par la grâce
seulement, par le moyen de la foi et non par nos oeuvres. Mais en
passant au verset 10, nous découvrons que dans ce salut, Dieu nous a
« créés en Jésus-Christ, pour de bonnes oeuvres » qu'Il désire que
tout croyant pratique (voir aussi
Col 2:6 ). De même, dans
Tite 2:14,
Paul nous rappelle que Christ « s'est donné Lui-même pour nous, pour
nous délivrer de tout mal et faire de nous un peuple purifié qui lui
appartienne à lui seul et soit zélé pour accomplir des oeuvres bonnes »
(BFC). Considérant cette vérité de l'évangile, écartons donc toute
incrédulité et ayons en nous « les sentiments de Christ » (
Ph 2:5-7
), une pensée et un mobile entièrement dépouillés du moi et soumis à
la croix de Christ (
Lc 9:23
), de sorte que Dieu puisse tout prendre en main et éclairer la terre
de la gloire de Son Fils.
Mais tant que nous refuserons d'admettre la véritable humanité de
Christ telle que Dieu l'a manifestée dans notre chair pécheresse
corporative, nous ne serons jamais vraiment capables de collaborer par
la foi à l'oeuvre que poursuit actuellement notre Souverain
Sacrificateur dans le ciel, incluant la purification du temple humain.
Tout comme il est impossible pour nous d'apprécier pleinement le
pardon de nos péchés à moins de voir Christ en porter le salaire sur
la croix, de même nous ne pouvons expérimenter la victoire sur la
puissance du péché à moins de voir Christ triompher et condamner la
loi du péché dans notre chair, ce qu'Il a fait dans Sa vie et Sa
mort.
Christ attend avec un désir languissant de reproduire Son caractère
dans Son Église. Combien de temps Le ferons-nous attendre encore?
« Quand le Seigneur reconstruira Sion (l'Église), Il révélera Sa
gloire » (
Ps 102:17, BFC; voir aussi
Ep 2:19-22;
5:25-27 ).