SAUVEUR DU MONDE

CHRIST, NOTRE RÉDEMPTEUR

La vérité fondamentale du Nouveau Testament se définit ainsi: «Comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ» ( 1 Co 15:22 ). Nous la voyons expliquée en détail par l'apôtre Paul dans Romains 5:12-21. Quelques spécialistes bibliques considèrent aussi ce texte comme l'apogée de l'Épître aux Romains (décrit par Luther comme «le plus clair des Évangiles»), mais aussi comme le passage le plus important, le plus significatif de toute la Bible! Selon l'argumentation employée dans ce passage, c'est par l'offense (le péché) d'un seul (Adam) que le jugement est devenu condamnation pour tous les hommes; de même, c'est en vertu de l'oeuvre de justice d'un seul (Christ) que le don gratuit a été accordé à tous les hommes, pour la justification qui donne la vie (verset 18). Selon Paul, Adam est un type, une figure de Christ (verset 14). Afin donc de comprendre pleinement et d'apprécier ce que Dieu a accompli pour l'humanité déchue en Christ, nous devons tout d'abord comprendre quelle est notre position en Adam.

En examinant attentivement ce passage ( Rm 5:12-21 ), vous remarquerez que la raison pour laquelle ce péché unique d'Adam condamne toute l'humanité à mort, c'est qu'en Adam «tous ont péché» (v. 12). En d'autres termes, le péché d'Adam fut un péché corporatif, impliquant l'ensemble de la race humaine. C'est ce qu'enseignent clairement les Écritures. La vie que Dieu insuffla en Adam au moment de la création se trouva être la vie corporative de tout le genre humain. C'est pourquoi le mot original hébreu signifiant «vie» dans Genèse 2:7 se trouve au pluriel: «Dieu souffla dans ses narines (celles d'Adam) le souffle des vies.» Tel qu'indiqué dans Actes 17:26, la race humaine est en réalité la multiplication de la vie d'Adam.

Cependant, avant même qu'il n'ait pu commencer à multiplier cette vie corporative, Adam a péché. Et ainsi tous ont péché en lui, impliquant que chaque enfant né depuis lors reçoit une vie ayant déjà péché en Adam, une vie déjà condamnée à mort. C'est pourquoi Paul déclare dans 1 Corinthiens 15:22 : «Tous meurent en Adam». «Tous les hommes ne reçoivent rien d'autre de lui (Adam) que la culpabilité et la sentence de mort. » (Bible Commentary, vol. 6, p. 1074).

Cette vérité est basée sur le principe de la solidarité biblique ou de l'unité du corps (corporative) de l'humanité. Il n'y a par conséquent aucune « fiction légale » en cause ici. Le mot « Adam » est utilisé quelque 510 fois dans l'original hébreu et dans la majorité des cas, il possède une signification corporative.

Cette vérité fondamentale est vitale à une bonne compréhension de l'évangile car Paul, après avoir démontré notre situation en Adam dans Romains 5:13-14, poursuit en déclarant qu'Adam était «la figure de Celui qui devait venir (c'est-à-dire Christ).» Il ne voulait pas dire que le Christ viendrait dans la nature humaine non pécheresse d'Adam, mais plutôt qu'Il viendrait en tant que représentant de l'homme, comme l'était Adam jadis.

Autrement dit, tout comme le genre humain en entier a péché en Adam et demeure ainsi condamné en lui, de même toute l'humanité a obéi en Christ et se trouve par conséquent légalement justifiée pour la vie en Lui. C'est pour cette raison que Paul peut affirmer dans 1 Corinthiens 15:22 que «tous revivront en Christ.» C'est le concept «en Christ», le thème central de la théologie de Paul et la solution biblique au problème éthique de la raison de la mort de Christ.

Mais pour que l'obéissance de Christ soit une réalité légale, il fallait que l'humanité de Christ soit l'humanité corporative de la race déchue en quête de rédemption. S'il n'en avait pas été ainsi, l'humanité n'aurait pas pu obéir en Christ et Dieu n'aurait pas pu être juste tout en justifiant légalement toute l'humanité en Christ. De la même manière que nous avons tous péché en Adam, Dieu nous a donné la possibilité d'obéir en Christ, en unissant Sa divinité à notre humanité pécheresse corporative en quête de rédemption. C'est dans cette vérité que se trouve le divin secret de notre rédemption révélé dans le Nouveau Testament ( 1 Co 1:30 ).

Répondant à la question « Comment la substitution est-elle possible? », le Dr Richard Davidson donnait ce qui suit comme l'une des solutions au problème éthique de l'expiation : « Christ est l'homme représentatif, le second Adam. Tout comme Lévi a payé la dîme à Melchisédek tout en étant dans les reins d'Abraham, en vertu du principe de la solidarité ( He 7:9 ), de même le monde entier s'est trouvé corporativement uni en Christ à la croix. Comme le présente Paul: 'Nous sommes convaincus que, si un seul est mort pour tous, tous donc sont morts' ( 2 Co 5:14 ). Nous sommes tous morts en Christ à Golgotha. La culpabilité du monde entier a ainsi été expiée par la mort de cet Homme Représentatif.» (Richard Davidson, Salvation and Forgiveness, ATS Journal, vol. 3, no 1, 1992).

Comme beaucoup de croyants ont certaines objections à propos de la doctrine du péché originel (un meilleur terme serait peut-être « péché corporatif » plutôt que « péché originel »), la tendance générale a été de ne pas trop insister sur notre position en Adam, telle que l'enseigne Paul dans Romains 5:12-21 entre autres. Mais toute interprétation qui atténue la condamnation et la mort dont l'humanité hérite en Adam, devra nécessairement minimiser la « justification qui donne la vie » accomplie en Christ pour toute la race humaine puisque, d'après Romains 5:12-21, ce qui est vrai d'Adam l'est aussi de Christ, quoique dans un sens diamétralement opposé. Comme l'explique le théologien britannique Harry Johnson : « Si la phrase de Paul ne veut pas dire que tous les hommes ont été d'une certaine façon impliqués dans le péché d'Adam, la force du parallèle de la rédemption en Christ est alors complètement détruite. » (The Humanity of the Saviour, p. 10).

C'est seulement quand le « péché originel » se voit associé à une « culpabilité originelle » comme l'enseignent les Calvinistes et l'Église catholique romaine que cette doctrine tend à semer davantage la confusion qu'à éclairer. Selon les paroles mêmes de Johnson : « Même si l'expression 'péché originel' indique une vérité valable, par contre l'expression 'culpabilité originelle' semble inacceptable et contraire au message biblique » (ibid., p. 24).

Un autre théologien britannique, James D. G. Dunn, fait une déclaration semblable dans le Word Biblical Commentary : « On pourrait dire que Paul défend une sorte de doctrine du péché originel dans le sens que tous se sont trouvés dès le commencement sous le pouvoir du péché et donc de la mort, mais non pas une doctrine de culpabilité originelle, puisque les individus ne sont tenus responsables que pour les actes délibérés de défi envers Dieu et Sa loi. » (Vol. 38A, p. 291).

La culpabilité suppose l'implication de la volonté et de la responsabilité, et Dieu ne nous tient pas responsables du péché d'Adam, pas plus que nous ne le sommes de la justice de Christ. Néanmoins Adam et Christ ont tous deux pris la position de chefs [de têtes] et de représentants de la race humaine; ce qu'ils ont fait a donc affecté toute l'humanité. C'est pourquoi l'Écriture déclare qu'en Adam tous les hommes sont condamnés à mort à cause de sa désobéissance et sont « par nature des enfants de colère »; tandis que tous les hommes obtiennent la « justification qui donne la vie » en vertu de l'obéissance de Christ ( Rm 5:18; Ep 2:3 ).

Rejeter la sentence de condamnation et de mort en Adam revient à rejeter notre justification en Christ, position qui en a malheureusement conduit plusieurs au légalisme. Comme le théologien suédois Anders Nygren le déclare dans son Commentary on Romans, au verset 5:12 : «Mais si Paul avait voulu dire que tous deviennent sujets à la mort à cause des péchés qu'ils ont eux-mêmes commis, la conclusion logique serait que tous doivent obtenir la vie en raison de la justice qu'ils ont eux-mêmes accomplie. Cette idée est totalement et absolument contraire à tout ce que Paul enseigne. »

Puisque la culpabilité suppose l'implication de la volonté et de la responsabilité, Dieu ne nous déclare pas pécheurs coupables avant que nous n'ayons soumis notre volonté aux tendances pécheresses de la chair. Or, c'est ce que tout homme a fait, à l'exception de Christ qui n'a jamais péché, même par une seule pensée. De même, Dieu ne nous déclare pas justifiés avant que nous n'unissions notre volonté à la justice de Christ par la foi ou, comme le présente Paul dans Romains 5:17, avant que nous ne « recevions l'abondance de la grâce et le don de la justice ». Notre conviction est qu'une juste compréhension du péché originel (ou corporatif) est cruciale pour bien saisir la justice originelle qui se trouve en Christ. Notez les déclarations suivantes tirées des Écritures :

« Louons Dieu, le Père de Notre Seigneur Jésus-Christ! Il nous a bénis dans notre union avec le Christ, en nous accordant toute bénédiction spirituelle dans le monde céleste » ( Ep 1:3, BFC). Et celle-ci : « Mais Dieu vous a unis à Jésus-Christ, et Il a fait du Christ notre sagesse. Par le Christ, nous sommes rendus justes devant Dieu, nous sommes amenés à vivre pour Dieu et nous sommes délivrés.» ( 1 Co 1:30, BFC). Voilà ce que signifie la justice originelle.

Selon cette vérité fondamentale de l'évangile, l'humanité que Christ a assumée à l'incarnation devait être la même humanité déchue, pécheresse et condamnée qu'Il était venu racheter. Au moment où nous nions cette vérité et insistons sur le fait que Christ a pris une nature humaine non pécheresse comme la nature spirituelle d'Adam avant la chute, nous brisons l'union de Christ avec l'humanité qu'Il est venu sauver. En agissant ainsi, nous prêchons un évangile qui manque d'éthique ou d'honnêteté (il devient une fiction légale) et la justice de Dieu est alors mise en doute.

Permettez-moi de l'exprimer d'une autre façon : est-ce l'humanité pécheresse ou l'humanité non pécheresse qui est morte en recevant le salaire du péché sur la croix? Si nous admettons que c'est l'humanité pécheresse, dans ce cas, nous admettons non seulement que les exigences justes et légales de la loi ont été satisfaites à la croix, mais aussi que les êtres humains déchus dont nous faisons partie peuvent, par la foi et en toute bonne foi, s'identifier à cette mort qui les délivre de la malédiction de la loi ( Rm 6:7 -- «libre du péché», en grec «justifié»). En fait, l'idée de Paul était celle-ci : « En ce qui concerne la loi, je suis mort, tué par la loi elle-même, afin que je puisse vivre pour Dieu. J'ai été mis à mort avec le Christ sur la croix, de sorte que ce n'est plus moi qui vis, mais c'est le Christ qui vit en moi. La vie humaine qui est la mienne maintenant, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et a donné sa vie pour moi » ( Ga 2:19-20, BFC).

D'un autre côté, si nous disons que c'est une nature humaine non pécheresse qui est morte sur la croix et non notre nature corporative condamnée, nous accusons Dieu d'injustice, puisque Sa propre Parole ne permettra jamais à une personne innocente de mourir à la place d'une personne coupable (cf. Dt 24:16; Ez 18:20 ). De plus, une telle croyance empêche toute possibilité pour l'homme déchu de s'identifier sincèrement et sérieusement à cette mort tel que le demande la véritable foi (voir 2 Tm 2:11; Rm 6:3 ).

C'est la raison pour laquelle l'évangile présenté par les réformateurs a été pris à partie et accusé d'être une « fiction légale », une « séduction divine », une « comptabilité céleste », une « justice transférée », par les théologiens catholiques romains au Concile de Trente. En enseignant que Christ a assumé une nature humaine non pécheresse lors de l'incarnation, ils ont creusé un abîme entre le Sauveur et l'humanité qu'Il était venu sauver et fait en sorte que l'évangile prêché ne satisfait plus à l'éthique et devient une « fiction légale. »

Au risque de nous répéter, ajoutons qu'aucune personne innocente ne peut légalement payer le salaire du péché pour une personne coupable. Ceux qui insistent sur le fait que Christ a assumé la nature non pécheresse d'Adam ont essayé mais en vain de défendre l'aspect éthique d'un tel évangile. Il n'est donc pas étonnant que tant de personnes se tournent vers la « théorie de l'influence morale » comme étant une meilleure façon d'expliquer la signification de la croix.

Dieu a donné à l'humanité déchue la vie éternelle et divine de Son Fils ( 1 Jn 5:11 ). Cela était nécessaire parce que la vie humaine de Christ, qui était en réalité notre vie corporative condamnée, est morte de la seconde mort, de la mort éternelle, du «salaire du péché», sur la croix. C'est ce don qui a rendu possible que notre humanité, unie à Christ, revienne à la vie au troisième jour et nous donne ainsi une espérance éternelle ( 1 Co 15:22-23 ). Plusieurs théologiens évangéliques n'ont pas réussi à saisir la véritable signification du sacrifice suprême de la croix, parce qu'ils s'attachent au point de vue non biblique que l'homme possède une âme immortelle.

Le Nouveau Testament enseigne clairement que l'humanité pécheresse est morte en Christ sur la croix ( 2 Co 5:14; Ga 2:20; Col 2:20; 3:3; 1 P 2:24 ), satisfaisant ainsi aux justes exigences de la loi ( Rm 6:7; 7:1, 4, 6 ). En guise de résultat, Dieu a obtenu le droit légal de nous pardonner nos péchés ( Mt 26:27-28; Rm 3:24-26 ). En échange de notre vie condamnée et éternellement morte sur la croix, Dieu nous a donné la vie immortelle de Son Fils afin que nous puissions vivre une nouvelle vie ( 1 Jn 5:11-12; 2 Tm 1:8-10 ). C'est là le don d'amour de Dieu à l'humanité et la glorieuse vérité de l'évangile. Il en découle que : « Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes (l'ancienne vie et sa condamnation) sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles» ( 2 Co 5:17; voir aussi 2 Tm 2:11 ). Cette vérité ne devient pertinente que lorsque nous considérons comme identiques l'humanité de Christ et notre humanité pécheresse corporative en quête de rédemption.

La rédemption a pour objectif d'annuler les conséquences de la chute, de briser le pouvoir du péché et de racheter la nature pécheresse « vendue au péché ». Ce ne pouvait être possible que si l'humanité que Christ a assumée était l'humanité corporative de ceux qu'Il venait sauver, car ce qui n'était pas assumé ne pouvait pas être sauvé. Comme Harry Johnson le démontre clairement dans son ouvrage The Humanity of the Saviour : « En Christ, nous devenons liés au second Adam et Sa victoire et Ses avantages deviennent les nôtres... Il pouvait donc sembler qu'il soit nécessaire, pour que cette théorie expiatoire de la représentativité puisse parfaitement résoudre le problème de l'homme pécheur, d'incorporer dans sa structure une position christologique semblable à celle qui est l'objet de notre présente étude (c'est-à-dire que Christ a assumé notre humanité déchue à l'incarnation) » (ibid., p. 212).

Brooke Foss Wescott, spécialiste en grec néo-testamentaire du dix-neuvième siècle, a exprimé une vérité similaire : « Si, comme nous le croyons, Christ a pris sur Lui notre nature en vertu d'un acte d'amour, ce n'était cependant pas la nature d'un seul homme, mais de tous. Il n'a pas simplement été un homme parmi tant d'autres, mais c'est toute l'humanité qui s'est trouvée rassemblée en Lui. Et ainsi, maintenant et pour toujours, les humains sont, pour ainsi dire, corporativement unis à Lui. Ses actes sont véritablement nos actes, pourvu que nous demeurions unis avec Lui, Sa mort est notre mort, Sa résurrection est notre résurrection. » (The Gospel of the Resurrection, Chapitre 2, p. 39).

Christ a assumé la nature humaine telle que nous la connaissons depuis la chute. Et malgré cette nature humaine déchue, Jésus a vécu une vie parfaite par la puissance de l'Esprit qui L'habitait, triomphant de la « loi du péché » dans la chair. Enfin, cette nature a été purifiée sur la croix et Jésus est ressuscité des morts avec une nature humaine rachetée, glorifiée. Elle est maintenant réservée au croyant dans le ciel jusqu'à la seconde venue ( Ph 3:20-21 ). C'est ainsi que Dieu a légalement justifié toute l'humanité dans la vie et la mort de Christ et qu'Il nous a totalement libérés de notre problème de péché pour nous donner une espérance éternelle, dès à présent et dans le monde à venir.

Ainsi donc la bonne nouvelle de l'évangile nous garantit une justification légale, mais elle nous offre également une victoire totale sur les revendications de notre nature pécheresse. Par conséquent, la justice qui s'obtient par la foi comprend d'une part la paix avec Dieu dans la justification par la foi ( Rm 5:1 ), mais donne en même temps au croyant justifié l'espérance d'une vie de victoire sur le péché ( Rm 13:14; Ga 5:16 ). Tel est le véritable sens de la justice acquise par la foi en Christ. Ceci nous amène ensuite au but secondaire de l'incarnation.