Nous découvrons au coeur de la foi chrétienne l'affirmation que
Christ, le Fils de Dieu, est devenu homme afin d'être le Sauveur du
monde. Un auteur profondément spirituel déclarait : « L'humanité du
Fils de Dieu est tout pour nous. C'est la chaîne d'or qui relie nos
âmes à Christ et par Christ à Dieu. » C'est la raison pour laquelle
elle devrait faire l'objet de notre étude, nous qui sommes chrétiens.
Mais le mystère a toujours entouré la venue du Fils de Dieu dans la
chair humaine, un sujet que nous ne pourrons jamais pleinement
comprendre. Nos esprits limités devraient cependant s'efforcer, à
l'intérieur du cadre de la révélation divine, de saisir cette vérité
si centrale pour notre foi. Car ce que Christ a accompli dans Son
humanité est tout pour nous en ce qui concerne notre rédemption, notre
justification, notre sanctification et notre glorification.
Afin de réaliser la pleine signification de l'humanité de Christ pour
nous, il est essentiel que nous répondions à deux questions vitales
concernant cette humanité. Premièrement, quel était le premier
objectif de l'incarnation de Christ? La réponse à cette question est
le point de départ d'une bonne compréhension de toute christologie.
Trois raisons différentes sont aujourd'hui proposées pour répondre à
cette question :
1. Prouver que la loi de Dieu peut être observée par l'homme.
Le problème avec cette réponse, c'est qu'elle ne peut être soutenue
explicitement par les Écritures. Naturellement, le fait que Christ ait
parfaitement gardé la loi dans Son humanité a prouvé que l'homme,
dirigé par le Saint-Esprit, peut pleinement répondre aux exigences de
la loi. Mais la Bible n'enseigne pas que ce soit là la raison
primordiale pour laquelle Christ est devenu homme.
2. Être notre exemple.
Bien que la Bible présente Christ comme notre exemple, elle le fait
seulement en référence aux croyants qui ont accepté Christ par la foi
et ont expérimenté la nouvelle naissance (
1 P 2:21;
Ph 2:5-8
). Mais les Écritures n'enseignent pas que ce soit la raison
primordiale pour laquelle Christ a pris notre chair humaine. Ceux qui
insistent sur le fait que Christ est notre exemple sans L'avoir
d'abord clairement présenté comme notre Sauveur, donnent l'impression
qu'ils enseignent la théorie expiatoire de l'exemple; c'est pourquoi
ils sont si souvent accusés de tomber dans l'hérésie du
perfectionnisme ou du légalisme.
3. Racheter la race humaine du péché.
Les Écritures présentent ce point comme raison première de
l'incarnation du Fils de Dieu (
Mt 1:21;
Ga 4:4-5;
He 2:14-17
). Au coeur même de la doctrine de la christologie se trouve la
glorieuse vérité que Christ a assumé l'humanité afin de pouvoir être
le Sauveur du monde. Il ne devient alors un exemple que pour ceux qui
L'ont d'abord reçu comme leur Sauveur.
Après avoir établi la raison principale pour laquelle Christ est
devenu homme, c'est-à-dire racheter l'humanité, nous en arrivons à la
seconde question d'importance: Comment Christ a-t-Il sauvé la race
humaine dans Son humanité? Deux réponses à cette question sont
enseignées au sein du christianisme, la position «vicariante» (1) [une
personne agissant à la place d'une autre] et la position «réelle»
[Christ prenant sur Lui, assumant l'humanité]. Chacune de ces réponses
nécessite obligatoirement une vision différente de la nature humaine
de Christ.
1. Ceux qui défendent la position «vicariante», comme l'ont fait les
réformateurs et le font encore plusieurs évangéliques contemporains,
enseignent que Christ a pris la nature humaine d'Adam avant la chute.
Voici leur principal argument :
Le péché est un problème double. C'est d'abord une condition, un état,
car la nature pécheresse constitue à leurs yeux un péché et se trouve
donc automatiquement condamnée. Il en résulte que Christ devait
obligatoirement prendre une nature humaine non pécheresse afin de
remplacer notre nature pécheresse condamnée. Ils insistent sur le fait
qu'en prenant la nature pécheresse telle que nous la connaissons,
Christ serait automatiquement devenu pécheur, Lui-même en quête d'un
Sauveur. Deuxièmement, Sa vie parfaite et Sa mort sacrificielle sont
substituées à notre performance pécheresse. Il est ainsi affirmé que
Christ a racheté la race humaine du péché par une nature humaine non
pécheresse prenant la place de notre nature pécheresse, et une
performance parfaite (i.e. Sa vie et Sa mort) remplaçant de la même
manière notre performance pécheresse.
Mais cette position présente un problème à deux volets :
a) Elle rend l'évangile contraire à l'éthique puisque qu'aucune loi,
qu'elle soit humaine ou divine, ne permet un tel transfert de
culpabilité d'une personne à une autre. Par conséquent, ceux qui
enseignent ce genre de substitution «vicariante» sont avec raison
accusés d'enseigner une «fiction légale» ou «une justice transférée»
(par Osiander et Newman dans la Contre-Réforme et les théologiens
islamiques modernes).
De nos jours, le problème de «fiction légale» est à ce point devenu un
argument de poids pour certains théologiens qu'ils se tournent vers une
forme modifiée de la «théorie de l'influence morale» afin de pouvoir
expliquer la raison pour laquelle Christ devait mourir. À propos, la
«théorie de l'influence morale» n'est pas une hérésie au niveau de ce
qu'elle enseigne (Christ est mort afin de démontrer Son amour pour
nous) mais dans ce qu'elle nie (que la mort de Christ était légalement
essentielle pour notre justification).
S'il est vrai que le Nouveau Testament enseigne clairement que Christ
est mort «pour nous», «à notre place», toutes les tentatives de
résoudre le problème éthique créé par la définition que donnait la
Réforme à la substitution (un homme innocent mourant à la place des
pécheurs) sont inacceptables; par exemple, les affirmations que
«Christ est au-dessus de la loi» ou «puisque le Créateur S'est
Lui-même porté volontaire pour mourir à la place de l'homme, cela rend
la chose éthique» ne sont pas réalistes. Même la loi de Dieu ne
permettra pas que le péché soit transféré du coupable à l'innocent
(voir
Dt 24:16;
Ez 18:1-20
). Ce n'est que lorsque les deux humanités sont unies (celle de Christ
et notre humanité corporative), tel qu'illustré dans les services du
sanctuaire, que la théorie expiatoire de la substitution devient
légalement acceptable (voir
1 Co 10:18 ).
b) Il s'en faut de peu pour que le point de vue «vicariant» ne
transforme l'évangile en grâce à bon marché: si Christ a tout accompli
sans avoir eu à S'identifier Lui-même avec nous (en vivant et en
mourant à notre place), nous pouvons alors recevoir les bénédictions
de Sa sainte histoire par la foi, en donnant simplement notre
assentiment intellectuel à la vérité sans avoir à nous identifier à
Son histoire Sa vie, Sa mort, Son ensevelissement et Sa résurrection,
comme le demandent la vraie foi et le vrai baptême (
Ga 2:19-20;
Rm 6:1-4 ).
2. Ceux qui prennent la position «réelle» enseignent que Christ a pris
la nature d'Adam après la chute. Leur argument est que Christ étant
venu sauver l'humanité déchue, il fallait qu'Il prenne sur Lui
l'humanité en quête de rédemption, donc l'humanité pécheresse. En
S'identifiant ainsi avec notre nature corporative déchue, Christ S'est
qualifié pour être le second Adam et notre Substitut légal.
Par Sa vie et Sa mort, Christ a donc réellement changé l'histoire
humaine de sorte que toute l'humanité a été sur le plan légal
justifiée à la croix. La justification par la foi rend ensuite
effective la justification légale dans la vie du croyant. La foi est
ainsi plus qu'un simple assentiment mental envers la vérité. C'est une
appréciation sincère de la croix de Christ qui produit à son tour
l'obéissance, c'est-à-dire la soumission de notre volonté à la vérité
telle qu'elle est en Jésus (
Rm 1:5;
6:17;
10:16;
Ga 5:7;
2 Th 1:7-8
). Une telle obéissance motivée par la foi est la base d'une vie
véritablement sainte (
Ga 2:20;
Rm 6:10-13).
Mais les tenants du point de vue «vicariant» s'en prennent
furieusement à cette façon de voir. Si Christ S'est pleinement
identifié avec notre nature humaine pécheresse (qu'ils croient
toujours condamnée parce que soumise à la loi du péché), insistent-ils,
nous entraînons alors Christ dans le péché et faisons de Lui un pécheur
comme nous, ayant Lui-même besoin d'un Sauveur. Paul enseigne
clairement que le péché demeure dans notre nature humaine pécheresse (
Rm 7:17, 20, 23
) et que, par conséquent, nous sommes «par nature des enfants de
colère» (
Ep 2:3
). Puisque la Bible enseigne aussi clairement que Christ a assumé la
même chair que la race humaine qu'Il est venu racheter (
He 2:14-17
), la solution du problème consiste à prendre note du qualificatif
utilisé par les auteurs du Nouveau Testament lorsqu'ils se réfèrent à
l'humanité de Christ par exemple, dans
Jn 1:14;
Ga 4:4 et
2 Co 5:21.
Dans ces trois textes, le mot «fait» est utilisé en rapport avec la
nature humaine de Christ.
Qu'est-ce que cela signifie? Dans la version King James, les mots
grecs traduits par «fait» signifient «devenu». Lorsque Christ est
devenu un homme, Il est réellement devenu ce qu'Il n'était pas, de
telle sorte que la nature pécheresse qu'Il a assumée n'était pas la
Sienne en vertu d'un droit de naissance, mais Il l'a prise sur Lui,
l'a assumée, a été «fait». Il a accompli la chose afin de racheter
cette nature de péché. Les mots «a participé» trouvés dans
Hébreux 2:14
et le mot «ressemblance» dans
Romains 8:3
font aussi référence au mot «fait» (voir les commentaires
International Critical Commentary, éd. 1982, et Word Biblical
Commentary sur Romains 8:3).
Si Christ avait consenti aux désirs pécheurs de cette nature qu'Il a
assumée, ne serait-ce que par une seule pensée, Il serait alors devenu
pécheur, Lui-même en quête d'un Sauveur. C'est pourquoi nous devons
souligner qu'il nous faut être extrêmement prudents de ne pas
impliquer Sa pensée ou Sa volonté dans le péché, ou de dire qu'Il
«avait» une nature pécheresse lorsque nous abordons le sujet de la
nature humaine de Christ.
Mais le fait est que Christ a réellement assumé notre nature
pécheresse condamnée qui était «inimitié contre Dieu» et ne «se
soumettait pas à la loi de Dieu» (
Rm 8:7
); or, dans Son cas, Il a totalement défait «la loi du péché et de la
mort» qui résidait dans cette nature humaine pécheresse qu'Il a
assumée et Il a ensuite exécutée cette nature condamnée sur la croix.
C'est la pensée principale exprimée par Paul dans
Romains 8:1-3
pour expliquer les versets
7:24-25.
En assumant notre nature corporative déchue lors de Son incarnation,
Christ S'est qualifié pour être le second Adam, le second chef et
représentant de la race humaine (le mot Adam signifie «humanité»).
Ainsi, en vivant et en mourant en tant que Substitut de l'homme, Il a
opéré une rédemption éternelle en faveur de toute l'humanité (
1 Co 1:30;
Ep 1:3
). Voilà la bonne nouvelle de l'évangile!
Mais en S'identifiant Lui-même avec l'humanité déchue, Il a aussi
démontré que l'homme, tel qu'il est depuis la chute, uni à l'Esprit de
Dieu et dirigé par Lui, peut vivre une vie d'obéissance totale à la
loi d'amour. C'est l'espérance et le but de la vie chrétienne.
Nous pouvons donc conclure que l'objectif principal de l'incarnation
était de qualifier Christ comme second Adam, afin qu'Il puisse être le
représentant légal et le substitut de l'humanité déchue dans Son
oeuvre rédemptrice, tandis que l'objectif secondaire pour lequel Il a
assumé notre humanité déchue était de devenir l'exemple et le garant
du croyant, en restaurant l'image de Dieu dans l'homme. C'est avec ce
double objectif de l'incarnation en tête que nous devons examiner le
sujet de l'humanité de Christ.
(1) Vicariant, ante: se dit en physiologie d'un organe qui remplit la
fonction d'un autre, insuffisant ou malade. Le terme est ici emprunté
par le traducteur pour décrire le mot anglais «vicarious», parfois
traduit par délégué, remplaçant, suppléant ou substitut.